Giulio Cesare all'Opera di Parigi (27 gennaio 2024)
Joie de retrouver Haendel, compositeur vedette, auteur d'une œuvre immense et couverte par un tube, dans une nouvelle mise en scène « Pourquoi pas ? » de Laurent Pelly à l’Opéra de Paris.
Le
critique parle peu de musique comme si tout le monde connaissait l'opéra sur le
bout des doigts alors que Giulio Cesare
à l’Opéra de Paris tient plus de l'œuvre elliptique que du rendez-vous
permanent. De quoi parler alors ? De la mise en scène ? Alors, commençons par
la mise en scène.
Laurent
Pelly propose ce que nous pourrions appeler une mise en scène "pourquoi
pas?", avec un point d'interrogation. Pourquoi pas situer Giulio Cesare in Egitto, le titre
complet de cet opéra de Haendel, dans la réserve de ce qui ressemble de loin au
bordélique musée archéologique de Naples ? Et pourquoi pas dans le hall de la
gare de Termini à Rome ? Pourquoi pas dans les piscines du Hearst Castle en
Californie ? Pourquoi pas dans les coulisse d'un théâtre ? Et pourquoi dans les
gradins d’une salle d’opéra comme dans Platée
vu en 2015. En 2013, au Metropolitan Opera, Jules César se baladait dans
une Egypte sous domination britannique. Pourquoi pas? Une fois acceptée ce parti
pris flottant, tout fonctionne bien dans la proposition de Pelly qui ne manque
pas d'humour quand il fait chanter une rangée de bustes neufs sur un étagère, quand les effleurements chorégraphiques font allusion aux Bangles de Walklike an Egyptian, où l’esthétique archéologique des décors emprunte à Astérix et
Cléopâtre relu avec délectation pendant les vacances de Noël à un
petit garçon de 4 ans. Cet album reste une des meilleures démonstrations de
l'humour à tant de degrés de Goscinny dont on regrette qu'il ne fut jamais
appelé à mettre en scène des opéras, créateur plus légitime qu'un PPDA ou Jacques Attali. Devant ce décor malicieux qui évoque la gloire passée de ces monarques
devenus de antiquités, je me demande si je dois voir autre close que cette mise
en miroir entre le passé et le présent, qui a tout l’air d'une courte impasse,
d'autant qu'Haendel nous montre des êtres bien vivants tiraillés par le pouvoir
et l'amour, des êtres de chair et de sang, loin d'être fossilisés ou figés dans
le marbre. Au deuxième acte, nous avons un peu voyagé. Nous nous
retrouvons en département des peintures avec des figurants échappés du Rondo Veneziano (second degré!), devenu une obsession cauchemardesque, et des
perruques récupérées chez Jiří Kylián. Au début du troisième acte, L. me dit
que nous sommes au souk. Pourquoi pas ?
Hormis Rameau, l'Opéra de Paris n'a pas une passion démesurée pour le baroque. Il s'agissait de le 53e représentation de Giulio Cesare, entré au répertoire en 1987, alors que Carmen en est à 2108 au 27 avril 2023. L'orchestre maison n'avait pas joué lui-même de baroque depuis2000. Et quand des œuvres plus anciennes que Glück étaient inscrites au programme, les musiciens locaux laissaient d’autres formations dans sa fosse. Les grandes maisons d'opéra ont une préférence pour les œuvres à voix comme Adriana Lecouvreur jouée plus tôt dans la semaine dans les mêmes murs. Il fallut aller loin pour découvrir l'étendue du champ lyrique de Haendel. Lors de la première partie de ma décennie new yorkaise (2005-2014), le New York City Opera, petite institution vacillante à côté du puissant Metropolitan Opera, inscrivait au moins un opéra de Haendel par saison à son programme et je vis ainsi Partenope, Agrippina, Flavio et Semele qui sont plus que des curiosités pour mélomane averti (ce que je ne suis pas).
Les américains sont surprenants. Ils ont une forme de nostalgie pour ce
qui les relie à l’Angleterre, nation éconduite avec laquelle ils entretiennent
une special relationship, tel un
couple qui n’arrive pas à -et ne veut pas- solder définitivement un divorce. On
pourrait les imaginer chantres de la modernité, eux citoyens de cette nation
moderne que certains jugent encore sans histoire. La musique baroque n'est pas
l'unique souvenir passionné qu'ils gardent de leur ancien colonisateur. Leurs
musées, comme le Met à New York ou le Huntington à San Marino, débordent de
tableaux de maitres du portrait comme Thomas Gainsborough, Joshua Reynolds ou
Thomas Lawrence. Tout ce qui ressemble à un membre de la famille royale y est
reçu comme si George III n'avait pas été bouté hors du continent par George
Washington & Co. Et Downtown Abbey suscite des
commentaires enamourés aux volutes nostalgiques.
Le public parisien préfère quand cela dépote, quand les voix vont décrocher les étoiles, comme à New York. Alors que je m'apprêtais, en 2011, à découvrir le Ring sur scène avec ces quatre opéras en 10 jours, et impressionné par la tâche que je m’imposais, j'assistais, en toute logique, à quatre conférences à propos de la tétralogie. Pour bien situer que l'on était entre gens qui parleraient de musique sérieuse et pas de musica seria, loin de toute affèterie, ce blabla mélodique et ampoulé, la conférencière se moqua, avec un enthousiasme gourmand et sans ménagement telle une Walkyrie, de cette musique pleine d'ornementations dont on ne sait jamais vraiment quand elle s'arrête alors que son tressage en fait le mystère et le jeu, gardant le spectateur en suspens. J’avais le souvenir d'un opéra plus enlevé et C. me demande où sont passés les chœurs, si virevoltants dans l’œuvre la plus célèbre de Haendel ; des chœurs qui ne dépareraient pas dans cet opéra comme ils ont toute leur place dans un Semele. Giulio Cesare conclut ses deux premiers actes, avec les des plus beaux moments de la soirée, un sensible duo (Son nata a lagrimar) et un solo (L’aure che spira tiranno e fiero). On sort avec ces deux airs de la routine baroque, celle moquée par ma conférencière du Met, de ce qui pourrait ressembler à du chant au kilomètre, au savoir-faire d’un génie pressé. Le public applaudit avec gentillesse, sans passion. Peut-être qu'il est tard et qu'il ne serait pas mécontent de rentrer après quatre heures de représentation.
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Et
Rachida Dati ? Voir un opéra anglais écrit par un allemand, chanté en
italien et joué dans le cœur de Paris n'est peut-être pas une priorité pour la
ministre de la culture.
Faut-il y aller ? Il est difficile de dire non à Haendel et mes
accompagnatrices ont plus aimé que moi.
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