Noël en quatre ballets et un feux d'artifices - Jiří Kylián à l'Opéra Garnier (21 décembre 2023)

Où le spectacle de Noël n'est pas celui que l'on croit et l'année 2023 finit en feux d'artifices à Garnier. 

Parce qu'il n'y a pas que Noureev dans nos vies, l'Opéra de Paris a décidé d'inviter, pour fêter Noël, Jiří Kylián qui a été pendant près de 30 ans le directeur artistique du Nederlands Dans Theater, une des plus belles maisons de danse du monde dont chaque visite parisienne est prise d'assaut. Et en quatre courts ballets, comme quatre fusées, Kylián vole la vedette à Noureev. La formule la plus conventionnelle pour raconter cette soirée sera de reprendre chacune des quatre propositions qui arrivent à tisser un fil qui mêle le classique et le contemporain et qui sait utiliser tous les talents d'un ballet porteur d'une tradition et formé à l'ancienne.

La fosse d'orchestre est vide, très vide. Seule une petite bougie, une loupiotte, illumine le devant de la scène. L'ambiance est et sera clair-obscur. Tout commence avec Gods and Dogs,  durant lequel les danseurs, à la fois plein d'instincts et en contrôle, sont près du sol et s'en détachent. Ils essayent de dompter ce qu'il y a de sauvage en eux. Ils sont accompagnés par une bête hybride, pleine de puissance et de grâce, qui court à l'infini dans le fond de scène. Je ne peux m'empêcher de repenser, dans cette quête de notre part animal, à l'excellent film de Thomas Cailley Le règne animal où notre proche humanité est confrontée à des mutations qui renvoient certaines personnes à leur nature sauvage. Jiří Kylián joue avec la dualité, sans être binaire,  en opposition mas pas en affrontement. Tout se complète comme ces sons électroniques qui se marient avec la musique de Beethoven. 

Dans Petite MortJiří Kylián nous fait entrer dans une société d'armes avec ces fleurets d'abord posés dont vont jouer les danseurs en pratiquant un kata d'un genre nouveau. Mozart déjà appelle les mouvements amples, une palette large qui permet d'épouser dans des pas de deux les concertos pour piano et démontrer que l'on peut être classique et actuel, célébrissime et émouvant. Plus que Petite mort, un titre plus juste aurait été Délicate célébration.

Mozart aurait-il de l'humour? On en trouve dans ses opéras mais plus souvent grâce aux librettistes. Sa musique a souvent su jouer et créer ces phrases qui en appellent d'autres, pleines d'allégresse, de joie et d'évidences. Là, les danseurs pendant six danses (ou Sechs Tänze) vont se servir de ces mélodies pour ajouter une dose d'absurde qui va faire rire la salle, surprise de ces fantaisies et de ces décalages. Nous ne voyons pas tant des saynètes que des caractères, des expressions, tel un croisement de Franz Xaver Messerschmidt dans sa version la plus cocasse et La Bruyère. Le ballet s'amuse et nous aussi.

Reste Stepping Stones, deuxième partie et morceau préféré du grand Philippe Noisette, ballet aux allures de pétard mouillé, plombé par sa dissonance . Il reste difficile, voir impossible, de bien faire danser avec des morceaux, comme ceux de John Cage, qui refusent à ce point la musique, qui, à chaque note, jouent le contre-pied. L'oreille se perd avec ces sons par dessein mal agencés et les yeux ne connectent plus rien de ce qui ce passe sur scène.

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Faut-il y aller? Oui mais Noël est terminé.
Faut-il préférer le contemporain ou le classique? Pourquoi choisir et pourquoi ne pas se réjouir que le Ballet de l'Opéra de Paris fondé par Louis XIV excelle dans Ekman, Naharin, Pyte ou Kylián?

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