Il n'est jamais trop tôt pour se demander ce que l'on fera le 30 juin 2025 (#I - Avril 2024)

Il n'est jamais trop tôt pour se demander ce que l'on fera le 25 juin 2025. Ce soir-là, j'irai voir Hofesh Shechter à l'Opéra Garnier.


Les journalistes ont oublié que le mot réserver ne signifie pas seulement "destiner exclusivement ou spécialement" mais aussi "acheter à l'avance". Quand vient le jour des représentations à l'Opéra ou à la Comédie-Française, ils parlent d'un spectacle avec verve, à vous en faire baver d'envie; spectacle que vous ne verrez jamais sauf si vous avez acheté votre place un an à l'avance. Avec une dose d'organisation, de nez et de chance, vous pourrez aussi dire "Moi aussi, j'y étais dans l'article du Monde, des Echos ou du Figaro".

Dès les mois de printemps, les grosses institutions culturelles égrainent leurs réjouissances pour la prochaine saison. Petite revue subjective des spectacles que je réserve, agrémentée de quelques conseils supplémentaires.

Opéra de Paris

J'y préfère la danse pour deux raisons: c'est moins cher et malgré le nom de l'institution, cet art est plus organique à Garnier ou à Bastille qui accueillent une troupe maison, élevée à la française, et que certains dépeignent comme la meilleure du monde. Si par bien des aspects l'opéra ressemble à un astre mort dont nous percevons encore la lumière, la danse ne cesse d'être vivante. Mes choix répondent à cette trilogie déséquilibrée opéra/danse classique (1)/danse contemporaine (3) et fait l'impasse sur la danse néo-classique dans laquelle brille pourtant ce ballet de l'Opéra de Paris, au grand dam de mon amie M., amatrice encore plus émérite que moi (cf. échanges ci-dessus).

  • William Forsythe/Johan Inger: évidemment pour James Blake dont la musique se marie si bien avec les danseurs;
  • La belle au bois dormant: je poursuis ma quête noureevienne avant que l'Opéra ne décide de tuer, petit à petit espérons-le, son père;
  • Sharon Eyal/Mats Ek: l'une comme l'autre furent formidables les précédentes saisons alors pourquoi bouder son plaisir de les voir dans un seul programme;
  • Il Triticco: j'ai une revanche à prendre avec cet opéra. J'en étais sorti furieux et ennuyé à l'âge de douze ans en disant "Plus jamais". Ma mère avait presque obéi. Il ne faut jamais écouter -ou presque- un garçon de douze ans;
  • Hofesh Shechter: le chorégraphe contemporain populaire de qualité par excellence.

Je serais presque tenté de revoir Play, un des ballets les plus jouissifs proposés par l'Opéra depuis une décennie. Il y aura aussi et enfin le début de la tétralogie mise en scène par Calixto Bieito et retardée par le Covid, et le retour des Brigands d'Offenbach (pour une fois que ce ne sont pas Les Contes d'Hoffmann).


Maison de la Radio et de la Musique

Cette salle est un peu maudite, mal desservie, au milieu d'un quartier qui sent la naphtaline. Elle est très rarement pleine malgré une belle programmation qui peut peiner par son manque de lisibilité et d'aspérités. 
Mon ami M. -tous mes amis ne s'appellent pas M.-a émis le souhait de retourner voir quelques concerts après m'avoir accompagné à la Philharmonie il y a quelques saisons quand j'habitais encore dans le IXe arrondissement. Pas moins mélomane mais peut-être un peu moins habitué, je nous ai concocté un programme classique classique.

  • Rachmaninov (26 septembre): je dois être un nostalgique d'Apostrophes ou un éternel romantique ;
  • Busoni (10 octobre): certainement ma proposition la plus audacieuse décrite comme "un objet inclassable, une outrance, un animal fabuleux qui ne s'apprivoise pas du premier coup d'œil" dans le programme, elle est l'œuvre de l'un des plus fabuleux transcripteurs de Bach;
  • Mahler (16 janvier): accro à la première symphonie, je commence, d'écoute en écoute, à percevoir le génie équivalent de sa cinquième au-delà du célébrissime adagietto;
  • Dvorak/Mozart (31 janvier): à ce rythme, il y a un risque que je glisse de France Musique à Radio Classique. Et il faut aussi montrer à M. à quel point Gainsbourg a tout recyclé;
  • Chostakovitch (7 mars): composée quand Russie rimait, sans ambages, avec résistance, cette symphonie dite Leningrad devrait être l'hymne des mélomanes libres. La littérature est très riche à son sujet mais je recommande d'écouter l'épisode de Reverbate, un podcast du Guardian, qui lui a été consacré;
  • Brahms/Dvorak (26 mars): la rencontre de deux géants, un chef un peu énervé et un prodige comme le piano adore en créer;
  • Beethoven (4 avril): combien de temps aurons-nous encore la chance de voir Martha Argerich jouer? Il ne faut jamais cesser d'en profiter.

En bonus, je recommande Alarcon (6 octobre) qui excelle dans Bach, comme il l'a démontré dans L'Art de la Fugue et La Passion selon Saint Jean, et les festivités à dix mains autour des 50 ans du Köln Concert de Keith Jarrett  le 11 janvier. La relecture de ce disque proposée par Maki Namekawa et Thomas Enhco en avril 2023 à la Philharmonie a montré combien cette œuvre est plus malléable que son aléatoire et légendaire improvisation pourrait laisser penser.
NB: cette sélection totalement arbitraire est guidée par un autre choix plus rationnel et presque absurde, rien pendant les vacances, ni les week-ends.
NB 2: les programmes pour les enfants sont formidables et pas chers. Il s'agit de la version IRL  de l'enceinte Merlin, indispensable compagnon de notre fils de 5 ans dont une des phrases préférées est "Ma radio me l'a dit".

Théâtre des Champs-Elysées

J'avais un peu abandonné cette maison en raison d'une assise proche d'un vol charter avec les genoux dans le menton lors d'un très long Tristan und Isolde mis en scène par Pierre Audi (celui de Peter Sellars à Bastille avec les images de Bill Viola était tout aussi long mais plus confortable) et des prix très VIIIe arrondissement. Michel Franck pour sa dernière saison livre une copie très riche et très conforme avec pas mal de Haendel, des vedettes format marbre et or. Pour les surprises, on repassera...

  • La Passion selon Saint Jean dirigée par Alarcorn (4-5/11): sa Passion selon Saint Matthieu spatialisée (oui, cet adjectif existe et a un sens) en 2022 à la Seine Musicale était formidable, presque au niveau de celle de Jonathan Miller à BAM vue en avril 2009. Allons découvrir ce versant plus doloriste.
  • Le Messie (11/12): existe-il un mois de décembre sans Haendel?
  • Le Carnaval des animaux (19/1): pour les amateurs de Paco et l'orchestre ou du Festival de Cannes;
  • Akram Khan (11-14/1): lui aussi a un abonnement au Théâtre des Champs-Elysées. Je l'ai vu en solo dans Xenos  à la Villette et par troupe interposée dans Jungle Book Reimagined aux Gémeaux. Il est temps de poursuivre l'aventure dans sa maison parisienne.
  • Danse contemporaine (24-27/4): Mats Ek, Akram Khan,  Sharon Eyal/Gai Behar. Je les ai choisis ailleurs et je les retrouverai tous ensemble dans ce programme très tutti frutti de printemps.

Et la Philharmonie? Oui mais c'est trop loin de chez moi et il n'y a rien de suffisamment spectaculaire qui justifie que je fasse une heure de scooter en début de soirée (en plus, c'est mauvais pour la planète) même si la programmation reste de très haut niveau avec des interprètes de qualité.

- Et le reste?
- Au fil des révélations du Théâtre de l'Odéon, des Amandiers, du Festival d'automne, des Bouffes du Nord, du Théâtre de la Ville, de la Comédie Française...entre mai et juillet.
- Et 
l'Opéra Comique ?
- Je n'arrive toujours pas à me passionner pour leur offre depuis la réouverture en 2017 et malgré la même année, une des plus belles Flûte Enchantée que j'ai vues mise en scène par les londoniens de 1927 dans une ambiance très 1927.

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