Baaaach! à la Maison de la Radio et de la Musique (20 février 2024)

Peu importe l'interprète, tant qu'il y a Bach (ou presque...)

Loin d'être plein, l'auditorium n'est pas vide. Le public été ramassé dans une moitié de salle, afin de donner l'impression que nous faisons bloc, ce soir humide de février. Edna Stern remplace Plamena Mangova et au profit de ce changement, nous allons entendre la Chaconne de la Partita pour violon n° 2 en ré mineur (BWV 1004), dans une transcription pour piano main gauche par Johannes Brahms. Chouette, je vais découvrir une version différente, de celle de Ferruccio Busoni qui peut être considérée comme canonique, voire canon. Nous sommes surtout venus écouter Bach et il est là.

Ce concert comme tant de concerts de Bach a un aspect anachronique. Bach jouait du clavecin, probablement dans des nièces plus ramassées qu'un auditorium, si majestueux soient les châteaux allemands qu'il put fréquenter, ou dans des églises. Nous nous retrouvons dans une salle ample, presque bâtie autour du piano, cet instrument parfait et modulable, ce qui prouve une fois de plus, s'il en était nécessaire, la force indispensable de la musique de Bach qui, plus que les époques, traverse les techniques, les sacralisations, les vénérations.

La Partita n° 1 en si bémol (BWV 825) ouvre le programme et commence par un soupçon de romantisme, un allusion qui éclatera quelques décennies plus tard. La deuxième partie est plus sérieuse, plus discursive. La musique est droite. On retrouve tout l'art du contrepoint, la clé de voute de tout son système toute sa galaxie.

Ce qui est fascinant chez Bach est à quel point se musique est intelligente et couvre tout le spectre du sensible. J'adore Bach et de temps à autre à doses mesurées. Son écoute implique de se concentrer pour se rappeler que toute phrase, toute partie forme un tout qui impose sa cohérence pour être apprécié. 

La transcription de Brahms est une curiosité qui, d'une seule main, perd de sa puissance harmonique comme si, en revenant à l'instrument originel, elle était jouée sur un violon à trois cordes ou que dans une version ballet, nous regardions une danse de boiteux. Brahms nous ramène, malgré lui, à ce que Bach a fui pendant des décennies, à une musique de musicien, des exercices pour dégourdir les doigts de virtuoses. J'ai l'impression de me retrouver chez Max Richter quand il repasse Vivaldi et en efface toutes les infructuosités. Je n'ai jamais entendu cette version en disque parce que le son se perdrait dans l'espace de la salle, tellement le travail de Brahms tient du défi, pari que Ravel remporta quand il composa pour Paul Wittgenstein son Concerto pour la main gauche. Je ne peux m'empêcher d'entendre qui manque, d'attendre ce que j'ai déjà écouté.

Pour le bis, Edna Stern nous propose une de ses compositions (Kidnapped, 7-octobre 2023). L'œuvre est tourmentée, version polie de la confusion, puis s'efface. Il est si difficile de juger à la première écoute. Je pense aux mélomanes avant la démocratisation de l'enregistrement qui devaient tout absorber en une fois et une seule, sans espoir de se saouler à la répétition pour apprécier ce que les musiciens leur proposaient avec un faible espoir de de seconde chance.

Ma voisine est circonspecte - je la soupçonne d'être professeure de piano. L'air revêche, qui n'est pas l'apanage de tous les enseignants de musique en France, elle applaudit à peine. Elle a plus vu une élève qu'une interprète

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Fallait-il y aller? On pourrait tous les jours repasser son Bach.
Et Bach dans tout cela? Il est partout mais un peu moins ce soir.
Et Rachida Dati? Elle doit trouver qu'elle a mieux à faire avec le mécano des sociétés du service public de l'audiovisuel.

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